Le plateau réuni pour l’occasion avait de l’allure : étaient représentés les trois syndicats dentaires, les industriels, les étudiants et les prothésistes. « Pour nous, c’est simple : si les chirurgiens-dentistes et les prothésistes vont mal, nous allons mal », résume Henri Rochet, président du Comident, réélu le matin même pour un dernier mandat.
Mathieu Delbos, vice-président de la FSDL, a été le premier à intervenir dans ce débat consacré au règlement arbritral : « S’il est appliqué, au lieu de payer 100 un produit, je chercherai à obtenir le même pour 50 et ainsi sauver l’équilibre de mon cabinet ».
Clause de revoyure
Mais les conséquences réelles sur les cabinets restent incertaines. « Nombre de confrères ne seront pas impactés par les plafonds qui sont fixés sur les prix moyens constatés de la prothèse et bénéficieront des revalorisations proposées dans le règlement sur les soins et le panier CMU-C », selon Catherine Mojaïsky, présidente de la CNSD. « L’effet négatif sur l’économie des cabinets se fera vraisemblablement sentir sur le long terme, estime de son côté Philippe Denoyelle, président de l’Union Dentaire. Ce qui est choquant, c’est qu’immédiatement, avec ces plafonds, il est interdit aux praticiens et aux patients de choisir des techniques innovantes pour se soigner, voire simplement de soigner selon les données acquises de la science. » Mathieu Delbos se veut moins optimiste. « Le règlement arbitral fixe pour la profession un cadre budgétaire global que nous ne pouvons pas dépasser. Si nous dérapons, une clause de revoyure nous sanctionnera en abaissant encore le montant des plafonds. Il y aura inévitablement des conséquences financières. » Laurent Munerot, président de l’UNPPD, les mesure déjà. « La bascule des chirurgiens-dentistes vers une prothèse fabriquée à l’étranger s’amplifie encore ces derniers mois, assure-t-il. Règlement arbitral ou pas, la pression sur les prix s’accentuera. Nous, prothésistes, devrons nous adapter, changer notre modèle économique avec l’aide de la filière dentaire en nous restructurant par le biais de coopératives ou de regroupements, en misant sur la technologie et en jouant sur la transparence des prix. » Industriels, prothésistes, praticiens…, l’incertitude le dispute à l’inquiétude.
Plateforme commune
Est-il envisageable d’abolir ce règlement arbitral ? Outre les recours déposés par les syndicats devant le Conseil d’État pour faire annuler ce texte, les rencontres début juin entre les syndicats et les conseillers de la nouvelle ministre de la Santé, Agnès Buzyn, ont montré que de nouvelles négociations auxquelles le règlement arbitral avait mis fin restent possibles. « Mais le message des pouvoirs publics est clair, prévient Catherine Mojaïsky, ils ne reviendront pas sur le principe du plafonnement de la prothèse. Ils nous disent qu’ils sont prêts à payer pour la qualité, mais qu’ils ne sont pas certains que tout ce qu’ils payent soit de qualité. C’est à la profession d’apporter la preuve de cette qualité. » Dans un entretien accordé au magazine Espace social européen du 15 juin, le directeur de la CNAM, Nicolas Revel, laisse, lui aussi, la porte ouverte, mais à une condition, dit-il : « Il n’est pas question de repartir de zéro. On ne reviendra pas sur les principes posés qui lient une forte revalorisation des soins conservateurs et un plafonnement indispensables des actes prothétiques. »
Que faire si le règlement arbitral n’est pas retoqué ? Selon plusieurs participants : tenter au moins de renégocier un texte venant s’y substituer en orientant la profession vers le préventif, le moins mutilant et en faisant pression sur les organismes complémentaires pour financer ce nouveau paradigme. « Si nous n’arrivons pas à casser le règlement arbitral, c’est par l’innovation, l’investissement, la délégation de tâches, l’emploi d’assistantes, la prévention, que nous pourrons nous en sortir, plaide Catherine Mojaïsky. Nous devrons apprendre à acheter, travailler et investir autrement. » Les étudiants de l’UNECD comme Philippe Denoyelle appellent « dès maintenant » à l’union de la profession. « La colère de la profession se fait entendre à travers les CCDeLi. Le nouveau gouvernement ne peut pas l’ignorer. Nous devons unir nos forces, développer une plateforme commune et prendre un rendez-vous ensemble avec la ministre ».
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